Les ruralités : intégrer leur pluralité à l’agenda politique
Si nous avons tendance à définir le milieu rural en contraste des villes – les espaces ruraux sont ceux qui ne sont pas urbains –, il est également important de rappeler sa pluralité : il n’existe pas une ruralité homogène mais des ruralités. Le milieu rural est un espace divers dont les comportements de la population, les quotidiens et les habitudes varient et produisent des territoires singuliers comprenant leurs propres besoins et défis. Par ailleurs, les pratiques dites « rurales » s’imbriquent de plus en plus avec celles dites « urbaines » : un habitant d’un espace rural peut adopter des comportements urbains mais se définir comme « rural » et vice-versa.
A cet égard, la stratégie de développement rural devient de plus en plus compliquée à définir : elle est tout à la fois celle qui vise à améliorer les réseaux, les mobilités, les services ; à renforcer l’emploi et l’intégration ; à préserver le paysage et la nature ; ou encore celle qui encourage la création de lien social et les modes de vie locaux.
Face à ces interrogations et afin de répondre au mieux aux besoins spécifiques des territoires, aujourd’hui, les modes d’action publique se veulent davantage ascendants, notamment à travers l’émergence des territoires de projet. Depuis 2005, lorsque la loi relative au développement des territoires ruraux dite loi DTR a été promulguée, l’agenda politique a voulu s’aligner aux objectifs portés par l’Union Européenne, et vise à transformer les modes d’intervention de l’État en prenant en compte la pluralité de l’espace rural et sa différenciation.
La contractualisation, une boîte à outils au service du développement rural
Eu égard de cette logique renouvelée d’intervention, la contractualisation a pour rôle de proposer des nouveaux modèles de développement créés par les territoires, adaptés à leurs spécificités et destinés à leur redynamisation. Les outils de contractualisation désignent « des dispositifs publics de coopération entre des entités publiques comme privées, par des financements et des programmes concertés : sous divers formats juridiques, le contrat, le programme ou le schéma, les acteurs s’engagent dans une démarche commune d’animation et d’orientation du territoire ».
Afin de permettre une meilleure mobilisation des outils de contractualisation du développement rural en faveur des projets d’Economie sociale et solidaire, l’Avise a lancé un projet d’étude en partenariat avec l’Ecole Urbaine de Sciences Po. Dans un premier temps, un état de l’art a été réalisé, offrant un panorama de ces dispositifs en fonction de trois critères : la strate territoriale à laquelle ils sont destinés, la dynamique des projets (ascendante ou descendante), l’origine des fonds mobilisés, et précisant la place que l’Économie Sociale et Solidaire a ou pourrait avoir en leur sein.
L’économie sociale et solidaire comme levier de développement
Dans la continuité des premières études du projet TRESSONS (Avise, RTES), qui ont mis en valeur la contribution de l’économie sociale et solidaire au développement des territoires ruraux, cette étude part du constat que l’ESS représente une opportunité majeure pour les territoires ruraux en termes de création de lien social et d’emplois non délocalisables, d’amélioration des conditions de vie des ruraux et d’attractivité des territoires. Elle joue en effet un rôle majeur dans le développement de biens et de services essentiels aux territoires, tels que les commerces de proximité, les soins, la culture, l’alimentation, la mobilité, etc.
L’ESS peut donc constituer un levier de développement significatif pour pallier la carence d’accessibilité aux services en territoire rural, grâce à des activités à fort ancrage territorial, avec des pratiques d’engagement citoyen, et aux externalités positives multiples. Ce constat à l’appui, toute démarche, comme celle présentée dans cette étude, qui consiste à identifier les niches d’insertion de l’ESS, peut augmenter les impacts des dispositifs destinés au développement rural.
Se saisir des outils de contractualisation : un enjeu d’ingénierie
Si les outils dédiés au développement rural sont multiples, il devient néanmoins de plus en plus difficile pour les porteurs de projets de les mobiliser. Les mécanismes financiers, administratifs et politiques demandent une maitrise avancée de leur fonctionnement, ce qui crée à la fois un besoin d’accompagnement des gestionnaires de fonds et des bénéficiaires potentiels et la nécessité croissante d’une montée en compétence des intermédiaires pour faire face à cette complexité.
Par ailleurs – comme cette étude le souligne – le traitement de chaque dispositif sur le terrain dépend fortement de la capacité des acteurs du territoire à s’en emparer, parfois du portage politique proactif ou réticent, et des caractéristiques propres à chaque territoire, plus ou moins enclins à développer des initiatives innovantes. Si, en effet, certains outils sont plus pertinents que d’autres pour le développement de l’ESS en milieu rural, l’émergence de leur potentiel d’action sur le terrain dépend encore largement de la disposition d’une ingénierie appropriée et adaptée.
Par Oriane Louveau, Pinelopi Pappa, Zoé Raimbault, Maud Reymond (Ecole Urbaine de Sciences Po)
>> Découvrir l’Etat de l’art Pratiques de mobilisation des programmes de développement rural et des outils de contractualisation